L’eau est devenue une ressource rare. Sa production est devenue coûteuse et par conséquent soumise à la loi du marché. En fait, il n’y a aucun substitut à l’eau soit pour la consommation directe, soit pour l’agriculture. Alors, le problème est donc de trouver non des substituts, mais de nouvelles sources d’eau. On commence déjà à distinguer l’eau bleue et l’eau verte. Comment augmenter les ressources dans ces deux composantes ? On est passé de l’eau de sources à l’eau de surface (captation de toutes les sources : forage, barrages, rivières, …) et maintenant l’eau de mer (dessalement). On commence déjà à explorer et à exploiter les ressources d’eau verte, présente dans l’air, la biomasse et les sols. Selon des estimations, l’eau Bleue représente 35% de toute l’eau douce, alors que l’eau Verte en représente les 65%. Cette question a fait l’objet d’un plaidoyer publié par le magazine britannique Nature et signé par plusieurs économistes et scientifiques. Les auteurs plaident que «parce qu’elle est vitale aux écosystèmes et aux êtres humains, l’eau douce doit être considérée comme un bien commun universel et échapper à la loi du marché». Et d’ajouter que : «Plus de 2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable, un enfant meurt toutes les 17 secondes d’une maladie d’origine hydrique, et 3 milliards d’individus se trouvent dans une situation d’insécurité alimentaire liée au manque d’eau. Il faut que les Etats réévaluent le rôle et la valeur économique de l’eau verte». Ils suggèrent la solution dans l’eau verte, présente dans l’air, la biomasse et les sols. Cette eau n’appartient à personne, ni à un pays, ni à une entreprise ni à un individu. « Il n’existe pas un seul pays sur Terre dont plus de la moitié de l’humidité vient de l’intérieur de ses frontières. Même dans les plus grands pays, les précipitations dépendent de l’eau qui s’évapore ailleurs».
Investir dans le secteur de l’eau n’est plus un choix mais une exigence
Au niveau national, et pour contrecarrer le stress hydrique, la Tunisie a opté pour l’investissement dans le dessalement de l’eau de mer et l’exploitation d’une partie des eaux dessalées dans l’irrigation des oliveraies et des cultures céréalières, qui générera une valeur ajoutée cinq fois plus que le coût investi. A titre d’exemple, un investissement de 3 dinars dans la valorisation d’un m3 d’eau pour irriguer le blé dur générera une valeur économique de 15dinars/m3. Bien qu’elle soit capable d’assurer une production de blé dur pour satisfaire la demande sur le marché local, la Tunisie continue d’importer une grande quantité de cette denrée, utilisée pour la fabrication des pâtes, de la semoule et d’autres produits alimentaires de base. La Tunisie vit actuellement une situation critique en ce qui concerne la disponibilité des ressources en eau renouvelables sous l’effet de l’intensification des sécheresses. Avec une part de 355 m3 par habitant/par an, le pays est classé sous le seuil de pénurie d’eau absolue, estimé, dans une étude de l’Iace sur la sécurité alimentaire, à 500m3/par habitant/an. L’étude fait état de difficultés à satisfaire les besoins en eau des différents secteurs, face à une baisse de production et une forte dépendance de l’extérieur, notamment en ce qui concerne le blé tendre et l’orge, ce qui met en péril le capital de l’agriculture pluviale.
Code de l’eau, un droit fondamental
Pour sa part, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) a appelé récemment le gouvernement à accélérer l’adoption du code de l’eau en suspens afin de faire face à la crise hydrique à laquelle est confrontée la Tunisie. Il a appelé aussi à inscrire dans ce code le droit à l’eau comme « un droit fondamental », en accordant la priorité à l’usage domestique. Selon le Forum, ce code doit prévoir un article portant sur la protection des ressources en eaux conventionnelles, notamment, les eaux souterraines dont le volume d’exploitation s’élève à plus de 125% dans les régions du sud. D’après l’organisation, cette mesure permettrait de durcir les conditions d’octroi d’autorisation de forage de puits et de lutter contre les puits anarchiques. Elle a également suggéré de créer un ministère dédié strictement au secteur de l’eau, lequel aura pour mission de chapeauter les différentes structures concernées. Evoquant le secteur agricole, le forum a jugé indispensable d’élaborer un nouveau plan agricole qui prend en considération la spécificité de chaque région et la rentabilité des cultures. Face à un secteur qui consomme près de 80% des ressources hydriques sans pour autant garantir l’autosuffisance alimentaire, il est impératif, souligne l’organisation, de réduire les cultures agricoles très consommatrices d’eau comme les agrumes et les fruits. Pour ce qui est de l’industrie, le Ftdes a déploré l’absence d’une stratégie nationale visant à contrôler les eaux utilisées dans le secteur, citant l’exemple du textile, dont les eaux usées ont endommagé des zones entières. Sur le plan logistique, l’organisation a appelé à doubler la capacité de stockage pour atteindre 20% au minimum de l’ensemble des précipitations qui dépassent 36 milliards m3, afin d’aider la Tunisie à faire face au stress hydrique. Cependant, cette mesure demeure tributaire de la capacité du pays à aménager de nouveaux barrages et de réhabiliter ceux qui sont vétustes.